Des villages vosgiens à ressentir, loin des foules

Les Vosges dévoilent une mosaïque de villages où le charme ne dépend pas d’un label. Si certains portent le flambeau du classement, tel Plombières-les-Bains (Petite Cité de Caractère) ou Saint-Quirin (label « Plus beaux villages de France »), d’autres, silencieux au creux d’une vallée ou perchés sur un promontoire, invitent à des découvertes plus confidentielles.

  • Viéville-sous-Châtillon : Ce hameau blotti sous ses murailles médiévales préserve son église du XII siècle et un habitat paysan typique.
  • Fontenoy-le-Château : Entre canal et ruines du château, ce village quinze fois assiégé pendant les guerres médiévales — voir les archives municipales — cultive une riche mémoire artisanale, notamment autour de la papeterie.
  • Senones : Ancienne capitale princière, ses abbayes et son jardin XVIII siècle racontent l’incroyable indépendance des Princes-Abbés au sein du Saint-Empire.
  • Le Tholy : Moins connu que ses proches voisines, ce village s’éparpille à flanc de montagne, offrant des points de vue paysans et d’antiques fermes vosgiennes aux toitures en tavaillons.
  • Dommartin-lès-Remiremont : Ici, ce sont les « chaumes », prairies d’altitude et anciens pâturages, qui animent l’histoire et le paysage.

Renseignez-vous localement (syndicats d’initiative, Offices de tourisme) : les communes ouvrent parfois des petits musées ou des maisons thématiques atypiques.

Sentiers secrets des Hautes-Vosges : randonner loin des foules

Pour ceux qui rêvent de solitude, loin des crêtes surpeuplées du Hohneck ou du col de la Schlucht (jusqu’à 2 000 passages/jour en été — Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges), il existe toute une galaxie de parcours secrets, souvent non balisés ou inscrits au cadastre local.

  • Forêt du Fossard (près de Saint-Amé) : Un dédale de chemins où règne la hêtraie ancestrale. Rencontre possible avec pics noirs et cerfs, avec parfois, vestiges de charbonnières.
  • Vallée de la Vologne : En remontant sur les hauteurs de Barbey-Seroux, des sentiers en balcon offrent une vue plongeante sur la rivière et ses cascatelles secrètes.
  • Baerenkopf – Rainkopf : Au sud du massif, ces sommets (ex : Rainkopf, 1 305 m) sont plus austères, mais bien moins fréquentés que le Gazon de Faîte ou Kastelberg.
  • Grande Crête du Ballon d’Alsace par le sentier des Démineurs : Un itinéraire historique, loin des parkings touristiques.

La Carte IGN Top25 (3618OT-3619OT) reste votre alliée. Consultez aussi le Club Vosgien pour les sentiers balisés hors des circuits classiques.

Une histoire plurielle gravée dans la pierre et les paysages

Le massif vosgien est forgé par bien plus que la géologie : l’histoire y a laissé son empreinte dans les forteresses, abbayes et hauts lieux de mémoire. Le château du Haut-Koenigsbourg (en Alsace, mais propriété mosellane jusqu’à 1871) symbolise la lutte pour le contrôle du couloir vosgien. La ligne bleue des Vosges, qui inspira Clemenceau lors de la Grande Guerre (voir les archives du Sénat), matérialise la frontière avec l’Allemagne impériale jusqu’en 1918. La route des Crêtes, construite en 1915 pour le ravitaillement des troupes françaises, reste un marqueur de l’histoire du front ouest. Plus au sud, les vestiges gallo-romains du Donon (sanctuaire de plus de 2 000 ans d’histoire religieuse) attestent les profondes racines celtiques et germaniques du massif.

Cols vosgiens : franchir les montagnes à pied ou à vélo

Le massif vosgien compte plus de 40 cols carrossables, mais certains sont remarquables pour les randonneurs et cyclistes amateurs :

  • Col de la Croix des Moinats (891 m) : Un accès aisé en partant de Saulxures-sur-Moselotte.
  • Col du Calvaire (1 144 m) : Jonction idéale entre la vallée de Kaysersberg et la route des Crêtes, sentiers balisés pour randonneurs et vététistes.
  • Col de Bramtot (956 m), près de Gérardmer : Un beau passage d’estive, fréquenté autrefois par les colporteurs.
  • Col du Donon (727 m) : Important carrefour antique entre les vallées alsaciennes et la Lorraine.
  • Col d’Oderen (884 m) : Accessible à vélo par la paisible vallée de la Thur.

Chaque année, le Tour de France y écrit une part de sa dramaturgie sportive : en 2023, le col du Petit Ballon fut gravi en à peine 32 minutes (source : L’Équipe), témoignant de sa popularité auprès des cyclistes.

Voyage au cœur des vallées, entre abrupt et douceur

La richesse des Vosges tient à la diversité de ses vallées, façonnées par les glaciers du Quaternaire.

  • La vallée de Munster : C’est la plus ouverte et la plus pastorale, caractérisée par ses marcairies (fermes d’estive) et ses chaumes, riches en orchidées sauvages.
  • Vallée de la Moselle supérieure : Entre Remiremont et Bussang, on observe le passage de la graniticité à la schistosité, créant une mosaïque de forêts, prairies humides et tourbières.
  • Vallée du Rabodeau : Souvent oubliée, elle cache de réelles perles architecturales à Senones et Moyenmoutier, témoignant de l’influence monastique.
  • Vallée de la Plaine : D’un grand intérêt écologique, elle abrite la réserve naturelle du Tanet-Gazon du Faing, propice à l’observation de la loutre d’Europe.
  • Vallée de la Cleurie : Un écrin de jardins en terrasse et de moulinages sur la route de Gérardmer.

Plusieurs vallées proposent aujourd’hui des circuits de randonnée thématiques, à suivre avec brochures locales ou guides élaborés par le Parc Naturel Régional.

Thermalisme vosgien : patrimoine d’eaux et de pierres

Le thermalisme fut l’or bleu des Vosges : Plombières-les-Bains, Vittel, Bains-les-Bains ou Contrexéville ont bâti leur renommée sur la vertu de leurs sources. Visiter ces stations, c’est plonger dans une autre époque. À Plombières, les thermes romains (datés du Ier siècle) sont parmi les mieux conservés au nord de la Loire (source : INRAP). À Vittel et Contrexéville, l’architecture Belle Époque rivalise avec les galeries végétalisées des parcs. Notez le hall monumental classé Monument Historique à Vittel et les miroirs d’eau de la « Promenade du Parc » à Contrexéville.

Les anciennes stations thermales proposent souvent des expositions, ou des ateliers sur le patrimoine local (voir Thermes Plombières).

Explorer les Vosges sans voiture : mobilités douces et transports publics

La Lorraine possède un réseau dense de gares et de lignes de bus, qui mettent les Vosges à portée de main, même sans voiture.

  • Train Épinal – Saint-Dié-des-Vosges : dessert Gérardmer (via bus), Bruyères, Baccarat… Des correspondances TER vous amènent près des principaux sentiers de randonnée.
  • Navettes des Crêtes (en été) : relient les principaux points d’accès du massif aux vallées, comme le Hohneck, le Markstein, le Grand Ballon.
  • Lignes régionales Fluo Grand Est : de Saint-Dié à Bussang ou à Gérardmer, bus utiles toute l’année.

Nombre de villages pratiquent le « covoiturage rural » ou organisent des transports à la demande. Pour les vélos, la Véloroute du Piémont vosgien suit les contreforts du massif.

Sentiers des crêtes et des villages perchés : sur les traces des anciens

De nombreux chemins ancestraux relient les villages perchés, nés bien souvent à la faveur d’une motte castrale ou d’une dépendance abbatiale.

  • Sentier des Roches : Relie le col de la Schlucht à Frankenthal, c’est l’un des plus anciens et spectaculaires du massif — autrefois passage saisonnier des vachers.
  • GR5 (Sentier de Grande Randonnée) : Traverse de part en part les Vosges, pouvant relier Saint-Maurice-sur-Moselle à Schirmeck.
  • Ancienne route du sel : Permettait le commerce du sel de Lorraine vers l’Alsace, on en retrouve la trace à travers Lesseux, Provenchères-sur-Fave et Ban-de-Sapt.

Ces itinéraires sont aujourd’hui balisés par le Club Vosgien, prouvant l’importance de cette histoire rurale discrète.

Points de vue naturels d’exception : seize panoramas impressionnants

Pour comprendre l’âme des Vosges, il faut se laisser happer par ses « balcons naturels ».

  • Hohneck (1 363 m) : Du sommet, vue circulaire sur la plaine d’Alsace, la Forêt Noire, parfois les Alpes par temps clair.
  • Roche du Diable : À 950 m, au-dessus du lac de Longemer, falaise de poudingue ouvrant sur tout le Val d’Ajol.
  • Ballon d’Alsace et Ballon de Servance : deux bastions aux panoramas à couper le souffle, prisés depuis le XIX siècle par les artisans et écrivains (source : Club Alpin Français).
  • Roche des Fées, non loin du Beillard, panorama sur toutes les vallées de Remiremont.
  • Promontoire de la Croix des Ménauds : Vue inattendue sur la large vallée de la Moselle.

Certains belvédères sont accessibles même aux enfants ; d’autres nécessitent un pied sûr et une authentique attention aux conditions météo.

Patrimoine religieux et monastique : abbayes, églises cachées, syncrétismes

La spiritualité imprègne l’histoire vosgienne. La Route des Abbayes recense quelque 18 sites majeurs, dont :

  • Abbaye de Moyenmoutier : Berceau de la « Réforme de Lorraine », influença toute la chrétienté médiévale.
  • Saint-Mont : Surplombant Remiremont, fondé au VII siècle par Saint Romaric, premier haut-lieu féminin chrétien des Gaules.
  • Dommartin-lès-Remiremont : Église prieurale à nef romane, ornée de fresques carolingiennes uniques en Lorraine.
  • Églises fortifiées de la vallée du Rabodeau : Témoignent de la syncrétisation entre croyances celtiques, germaniques et chrétiennes.

Certains lieux, à l’image du Donon, furent cultes druidiques puis romains avant d’être christianisés, modelant des paysages spirituels et culturels uniques.

Observer la faune des Vosges : discrétion et respect avant tout

La faune montagnarde offre de précieuses rencontres : chamois, lynx (depuis leur réimplantation dans les années 1980, source : ONCFS), cigognes noires (moins de 60 couples nicheurs en Lorraine, d’après la LPO), mais aussi grands tétras et martres. Pour l’observation, les secteurs du Gazon du Faing, réserve du Tanet, massif du Grand Ventron (classé Natura 2000) sont idéaux.

  • Observer à l’aube ou en fin de journée.
  • Rester sur les sentiers balisés pour éviter les dérangements, surtout lors du brame du cerf (septembre).
  • Jumelles, téléobjectifs : un must pour contempler sans troubler.
  • Respecter les périodes de quiétude (zones interdite à la cueillette au printemps, voir arrêté préfectoral 2023).

Une frontière mouvante : Alsace et Vosges, jeux d’influence sur le patrimoine

Entre Lorraine et Alsace, la crête des Vosges n’a cessé de sculpter des destins partagés et un patrimoine métissé. L’architecture s’en ressent : maisons à pans de bois du Grand Est voisinent avec les fermes-blocs vosgiennes et les oriels alsaciens. Le bilinguisme occitan-germanique perdure dans la toponymie, les traditions de marcairies (fermes d’estive), et jusque dans la gastronomie (munster, kirsch, baeckeoffe). Le passage de la frontière franco-allemande sur la crête (1871-1918) a laissé des marques : blockhaus, poteaux frontières encore visibles dans le Haut-Rhin, et présence de cimetières militaires mixtes (source : ICRC).

Cette identité plurielle imprègne l’imaginaire régional, que l’on soit dans l’accueil chaleureux des marcaires ou dans la diversité du folklore, jusqu’aux costumes traditionnels où le rouge alsacien répond au bleu lorrain.

La Lorraine vosgienne : un voyage initiatique, à chaque saison ses lumières

Explorer les Vosges, c’est accepter de se laisser surprendre par la lente patine des saisons. On admire le voile des brumes sur la Cleurie en octobre, la lumière cristalline du Ballon d’Alsace en février, ou la fulgurance des narcisses en mai à Gérardmer (jusqu’à 2 000 pétales/m² selon le CEN Lorraine). Toujours, l’essentiel se glisse dans le détail d’un village, un repli de vallée ou un silence de forêt profonde. Une invitation à quitter la route balisée, pour faire sienne la longue mémoire des lieux.

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