La Meuse, en plein hiver, remet à l’honneur plusieurs rituels, principalement autour de la convivialité et de la gourmandise. Janvier s’ouvre sur la galette des Rois, une tradition ancrée partout en France, mais ici, la fève fait souvent écho à un petit patrimoine local « de village »: dans certaines boulangeries de Bar-le-Duc ou de Commercy, la fève reprend la forme d’une figure de la région, d’un monument ou bien d’une madeleine.
Le « tirage des rois » était jadis prétexte à des veillées réunissant familles et voisins. Dans de nombreux villages meusien, cette galette, qu’elle soit briochée ou feuilletée, est toujours à partager au coin d’une tablée familiale, parfois lors de « réveillons tardifs » hérités des sociétés agricoles où l’hiver s’étirait en veillées (source : patrimoine-de-meuse.fr).
Mars et avril marquent le retour des foires et marchés de printemps, héritiers directs des grandes foires médiévales meusiennes, dont celle de Châlons-sur-Meuse (Clermont-en-Argonne aujourd’hui) fut jadis une des plus réputées de l’Est de la France. Les foires agricoles, à Ligny-en-Barrois, à Vaucouleurs ou à Saint-Mihiel, restent aujourd’hui de vrais carrefours où se rencontrent exposants, éleveurs, horticulteurs et artisans d’art locaux. Chaque année, la Foire de Pâques de Verdun attire environ 100 000 visiteurs sur plusieurs jours, preuve que la tradition reste un moteur de vie locale (source : Office de Tourisme de Verdun).
La tradition du « nettoyage printanier » des villages, souvent couplée à une fête de quartier, perdure dans certaines communes. En avril ou mai, les habitants rénovent les lavoirs, désherbent les bords de route, puis partagent un repas champêtre. Reflet du sens citoyen typique de la Lorraine rurale.
Au cœur des campagnes meusiennes, l’arrivée du mois de mai est synonyme de « Quêtes des Rogations », processions religieuses pour bénir les champs et les récoltes, héritage direct du catholicisme rural. La procession, souvent menée au chant des litanies, relie chapelles, croix de carrefour et petits oratoires. Si elle tend à disparaître, elle renaît dans quelques villages comme Wandrupt, chaque printemps, en lien avec la sauvegarde du patrimoine local.
Mai rime également avec la fête de la Saint-Jean : les feux de la Saint-Jean illuminent la nuit du 23 au 24 juin. Plusieurs communes, comme Bouligny ou Gondrecourt-le-Château, organisent un « bucher », élevage traditionnel encadré par la jeunesse locale (« les conscrits »), puis embrasé au crépuscule. Feu purificateur, feu rassembleur ; il marque, pour beaucoup, le véritable début de la saison estivale. Cette coutume s’accompagne de repas populaires et de danses jusqu’au bout de la nuit.
L’été meusien vibre au rythme de très anciennes fêtes villageoises où se mêlent gastronomie, fanfares et jeux populaires. Chaque village ou presque a sa fête patronale, souvent associée à son église ou à son saint tutélaire. Certaines se distinguent par leur pérennité et leur ampleur.
À Commercy, la madeleine, patrimoine culinaire devenu emblème, est célébrée fin juillet lors de la Foire aux Madeleines. Ateliers, démonstrations de pâtissiers, expositions et reconstitutions historiques (l’évocation de la rencontre du roi Stanislas et de la cuisinière Madeleine Paulmier selon la tradition) rythment la cité. Plus de 30 000 madeleines sont produites à cette occasion, dans le respect de la recette locale, exportée aujourd’hui dans plus de 30 pays (chiffres de la Confrérie de la Madeleine).
Dans cette terre de mémoire, l’autre grande tradition estivale reste celle des commémorations de la Première Guerre mondiale, surtout autour du 21 février et du 11 novembre. Mais c’est au cœur de l’été qu’ont lieu la fameuse Marche de la Mémoire (reliant Verdun à Douaumont en passant par les villages détruits), la cérémonie des lanternes flottantes sur la Meuse, ou encore les reconstitutions historiques dans les anciennes tranchées. Autant de manières de rappeler que la tradition meusienne, ici, conjugue la fête populaire au recueillement.
La mirabelle, fruit emblématique de la Lorraine cultivé dans toute la Meuse (plus de 350 hectares d’exploitation dans le département), est célébrée en septembre lors de la Fête de la Mirabelle à Bar-le-Duc. Concours de confitures, stands de distillation, vente de liqueurs et pâtisseries animent la ville. Autre moment fort : la Foire de la Saint-Michel à Saint-Mihiel, datant du XVe siècle, où les étals investissent toute la cité abbatiale, entre bestiaux, produits de terroir et objets anciens. Elle attire chaque année près de 5 000 visiteurs sur deux jours.
Début décembre, dans les anciens bassins sidérurgiques du nord meusiens (notamment à Joudreville et Homécourt), la Sainte-Barbe est l’occasion de retrouvailles où les descendants des mineurs honorent leur patronne par des messes, fanfares, processions aux lampes, puis un repas de « brioche sainte-barbe », galette sucrée typique. Cette tradition, vivace aussi en Moselle voisine, incarne la mémoire ouvrière locale.
L’hiver, enfin, ramène les grandes veillées de Noël et de l’Avent. En Meuse, la Saint-Nicolas (6 décembre) marque le départ des festivités, avec cortèges costumés et distributions de friandises, principalement à Verdun, Bar-le-Duc et Montmédy. Les marchés de Noël, plus de 40 recensés dans le département, offrent des tableaux pittoresques entre artisans, crèches vivantes et contes à la veillée.
Dans certains villages, la vieille tradition du guénel refait surface : des betteraves creusées, illuminées d’une bougie et sculptées par les enfants, illuminent les rues pour réveiller la magie des veillées autrefois.
Traverser la Meuse au fil des saisons, c’est donc parcourir une mosaïque de traditions, au carrefour de l’histoire, de la ruralité et du plaisir de se réunir. Ici, la fête n’est jamais factice ni fabriquée pour le seul regard des visiteurs. Elle est l’occasion d’une transmission, au cœur des familles, des associations, des écoles, jusqu’aux nouvelles générations d’artisans qui redonnent vie, chaque année, aux recettes anciennes et aux coutumes de la terre. Si le monde change, la Meuse veille sur ses traditions pour que nul ne les oublie, ni les oublis ni les lumières qui s’y rattachent. Et pour tous ceux qui souhaitent appréhender la Lorraine autrement, ce département discret offre un fil d’Ariane unique et sincère, à suivre pas à pas, mois après mois.