Un héritage thermal : les Vosges, terres de sources et d’eaux bienfaisantes

Les forêts profondes des Vosges bruissent encore de mille histoires. Parmi elles, celle des stations thermales, autrefois joyaux de la région, rayonne tout particulièrement. Dès l’Antiquité, les bienfaits des eaux des Vosges sont reconnus : les Romains y installent leurs premiers bains – ils baptisent Plombières-les-Bains « la cité aux mille balcons ». Plus tard, aux XVIII et XIX siècles, la vogue du thermalisme transforme ces villages en lieux de villégiature prisés de l’aristocratie, des artistes et des industriels en quête de santé ou de paix. Si certaines stations sont restées actives ou ont retrouvé une seconde jeunesse, d’autres semblent figées dans le temps. Pourtant, leurs ruelles, anciens palaces, sources oubliées et forêts alentour invitent à une exploration riche et singulière.

La géographie des stations vosgiennes : de Vittel à Plombières, un arc thermal unique

Le nombre de stations thermales vosgiennes peut surprendre : on en compte une dizaine rien qu’entre Épinal, Neufchâteau et Remiremont (Gîtes de France Vosges). Parmi les plus célèbres figurent :

  • Vittel, connue pour ses eaux minérales exportées dans le monde entier ;
  • Contrexéville, voisine de Vittel, dont l’eau pauvre en sodium est vantée dès le XIX siècle pour favoriser la minceur ;
  • Bains-les-Bains (aujourd’hui fusionnée en La Vôge-les-Bains), à l’atmosphère surannée ;
  • Plombières-les-Bains, réputée pour ses neuf sources uniques, dont la température atteint parfois 84°C ;
  • Martigny-les-Bains et ses anciens palaces désaffectés ;
  • Luxueil-les-Bains, à la frontière avec la Haute-Saône, mais historiquement tournée vers les réseaux vosgiens.

Chacune possède sa propre identité architecturale et sociale, son passé glorieux parfois teinté de mélancolie, et son environnement naturel préservé. Plusieurs d’entre elles connaissent aujourd’hui une renaissance patrimoniale, culturelle ou touristique, au-delà de l’activité thermale stricto sensu.

Sous la pierre, la vie thermale : architecture, jardins et promenades

Flâner dans ces anciennes stations, c’est traverser des décors inattendus, hérités de la Belle Époque. Les visiteurs peuvent admirer :

  • Le parc thermal de Vittel, avec ses allées ponctuées d’essences rares, ses sculptures et son golf (créé en 1905, un des plus anciens parcours de France) ;
  • Les galeries couvertes de Contrexéville, qui reliaient les grands hôtels et les thermes sans craindre la pluie ;
  • Le quartier impérial de Plombières-les-Bains, voulu par Napoléon III, avec son grand hôtel, la galerie thermale de plus de 200 mètres et les Thermes Napoléon, classés Monuments Historiques (Ministère de la Culture, base Mérimée) ;
  • Les palais néoclassiques de Martigny-les-Bains, aujourd’hui figés dans le silence, témoins éloquents du faste d’autrefois.

Les parcs anciens et jardins publics, ouverts dès le XIX siècle aux curistes, sont propices à la promenade studieuse ou rêveuse. Certains kiosques à musique, gloriettes ou fontaines fonctionnent encore, ponctuant les promenades d’un charme authentique.

Des eaux singulières, reflets de la géologie et de l’histoire

Mais que serait une station thermale sans ses eaux ? Chaque source possède une composition propre, façonnée par la géologie locale. Ainsi, l’eau de Vittel se distingue par sa pureté remarquable, alors que celle de Contrexéville, fortement minéralisée, est recommandée dès la fin du XIX siècle par l’Académie de Médecine (Bulletin de l’Académie nationale de médecine, 1892). À Plombières-les-Bains, la température record de certaines sources (jusqu’à 84°C, l’une des plus chaudes du pays) attire chercheurs et amateurs de bains chauds.

Certaines stations (Bains-les-Bains, Bulgnéville) valorisent aujourd’hui à nouveau leur patrimoine hydrominéral, que ce soit par la mise en bouteille, l’ouverture de spas contemporains ou des visites guidées axées sur la mémoire thermale.

Des anecdotes qui marquent : stations, célébrités et petites histoires

Les stations vosgiennes doivent leur éclat à d’illustres visiteurs : Napoléon III fit de Plombières un laboratoire social, où furent négociés les accords secrets entre la France et le Piémont. Là, Stendhal corrigea des pages de La Chartreuse de Parme, et Lamartine déclama, sous la verrière de l’ancien Palmarium, des vers nostalgiques.

À Vittel, c’est l’aventure industrielle qui marque les esprits : dès 1885, Louis Bouloumié achète la source et fonde la station. L’eau devient rapidement le symbole d’une Lorraine moderne, tournée vers la santé, l’ingénierie et le progrès. Ce modèle attire sportifs et curistes de toute l’Europe, comme en témoigne la construction du stade olympique et de la piscine Art déco (1926), chef-d’œuvre du béton armé. Dans les années 1930, les stations accueillent également des congrès, des concerts, des salons littéraires et même des compétitions de courses hippiques et cyclistes (Vittel devient ainsi une ville-étape du Tour de France dès 1968 : Le Tour).

Le patrimoine thermal, c’est donc aussi une aventure humaine riche, parfois insolite, qui croise la grande histoire et le quotidien villageois.

Une nature très présente : le maillage des sentiers, forêts et belvédères

Qui visite les anciennes stations thermales vosgiennes ne peut manquer la nature environnante, omniprésente et apaisante. Les forêts domaniales ceinturent souvent les villages. À Plombières, une trentaine de kilomètres de randonnées balisées partent du centre pour rejoindre la vallée de la Semouse ou les hauteurs du Val-d’Ajol (Office de Tourisme des Vosges Méridionales).

  • Le sentier des forts à Vittel permet de découvrir au fil des saisons les boisements centenaires posés sur d’anciennes buttes témoins ;
  • De larges circuits relient les parcs thermaux de Contrexéville aux étangs et à la lisière du plateau lorrain ;
  • Les promeneurs découvrent, à Martigny-les-Bains, de petites cascades et d’antiques fontaines au détour d’un sous-bois.

C’est ici qu’on touche la frontière singulière entre nature et culture, que perpétuent les femmes et hommes du pays : les légendes de sources guérisseuses, les fêtes du feu de la Saint-Jean, les rencontres de clubs de marche locale ou de botaniques, autant d’occasions de (re)découvrir ces stations au rythme des saisons.

Mémoire des savoir-faire et des rites locaux

Le patrimoine thermal n’est pas qu’urbain ou bâti : il s’incarne aussi dans d’innombrables gestes, traditions et saveurs régionales. Plusieurs stations renouvellent leurs fêtes traditionnelles en associant marchés de producteurs, expositions et circuits patrimoniaux.

  • À Bains-les-Bains, la fabrication de la fameuse Brimbelle (confiture de myrtilles sauvages) rencontre la valorisation des faïenceries locales.
  • À Plombières, tout le mois de décembre voit s’animer marchés de Noël et ateliers d’artisans d’art, sous les façades illuminées de la vieille ville.
  • À Vittel, les curistes croisaient jadis les ramasseurs de champignons venus de toute la plaine vosgienne.

Des associations multiplient aujourd’hui visites guidées, lectures de contes près des fontaines, ateliers de céramique et découvertes botaniques. La sauvegarde de ces rituels contribue à la transmission et à l’inventaire vivant de la Lorraine thermale (projet « Lorraine, Région d’Eaux », région Grand Est).

Itinéraires conseillés pour un voyageur curieux

Pour explorer ce patrimoine au fil des villages, plusieurs circuits s’offrent à l’amateur :

  • Le circuit « Entre Vittel et Contrexéville », à vélo ou en voiture, permet de découvrir deux modèles architecturaux et culturels opposés, séparés d’à peine 5 km ;
  • La boucle « Pays de la Vôge », intégrant Bains-les-Bains, les sources du Côney et les faïenceries, offre une plongée dans la ruralité industrielle et ses savoir-faire ;
  • Une « Traversée impériale » relie Plombières à Luxeuil, de l’art thermal à l’art roman, pour qui souhaite marcher sur les pas des diplomates et écrivains du XIX siècle.

Chaque étape peut se doubler de haltes dans des auberges familiales ou chez des habitants engagés dans la préservation du patrimoine, offrant des moments d’échange sur l’histoire locale ou la gastronomie.

Les défis du patrimoine thermal vosgien aujourd’hui

Nombre de ces stations affrontent aujourd’hui des enjeux de reconversion et de revalorisation. Si Vittel et Contrexéville restent actives, Martigny, Bains ou Bulgnéville se battent pour préserver leurs vieux palaces, transformer d’anciens bains en lieux culturels ou attirer une nouvelle clientèle (ex : tiers-lieux, espaces de coworking patrimoniaux, étapes pour cyclotouristes).

L’inscription de certains édifices sur la liste des Monuments Historiques, la revitalisation par des festivals ou des événements comme le réseau Thermalisme 2030 (Agence de Développement Touristique Lorraine), témoignent d’une dynamique en marche, sans toujours garantir la survie économique ou la transmission des mémoires.

Un patrimoine à ressentir, explorer, transmettre

Visiter les anciennes stations thermales des Vosges, c’est ainsi se mettre à l’écoute d’un double palimpseste : celui d’un monde disparu, dont l’empreinte affleure sous les soubassements et les vieilles cartes postales, et celui d’un territoire attaché à sa diversité culturelle, paysagère et humaine. Du murmure des sources à la lumière des parcs, de la mémoire des balnéaires à la fièvre douce des festivals locaux, chaque pas invite à défataliser l’image d’ancienne « gloire endormie ». Les stations thermaless-vosgiennes offrent aux visiteurs qui prennent le temps d’écouter et de marcher une expérience sensible, tissée de découvertes inattendues et toujours renouvelées.

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