Pourquoi les Hautes-Vosges concentrent-elles la foule ?

La notoriété du massif ne date pas d’hier. Depuis le XIX siècle, la Route des Crêtes attire touristes et curieux (source : France 3 Grand-Est), et aujourd’hui près de 2 millions de visiteurs arpentent chaque année le Parc naturel régional des Ballons des Vosges. Les sites les plus connus — lacs d’altitude, cols panoramiques, ballons emblématiques — captent plus de la moitié de cette fréquentation, avec des pointes estivales qui transforment le sentier des Roches en véritable procession.

Pour autant, le massif s’étend sur près de 6 000 km² et propose à qui ose s’aventurer une multitude de combes, croupes, hauts plateaux, ravins et sous-bois intacts. Plusieurs secteurs demeurent à l’écart : fonds de vallons discrets, cirques secondaires, crêtes moins spectaculaires mais infiniment plus tranquilles.

Choisir son itinéraire : les clés de la tranquillité

Marcher seul dans les Hautes-Vosges n’est pas affaire de secret, mais de regard et d’horaires. Quelques conseils pour éviter la foule :

  • Fuir les parkings trop accessibles. Plus le départ est proche d’une grande route ou d’un parking aménagé, plus il sera fréquenté.
  • Favoriser les départs de village. Préférez les départs depuis les vallées (Sewen, Kruth, Husseren-Wesserling, Cornimont, Saulxures-sur-Moselotte) plutôt que du sommet.
  • Éviter les boucles « classiques ». Les circuits balisés autour du Grand Ballon, du Hohneck ou des lacs (Schlucht, Corbeaux, Longemer) sont les plus parcourus.
  • Marcher tôt, tard… ou hors saison. L’automne offre des lumières sublimes, l’hiver un silence rare (attention cependant à l’enneigement et à l’équipement !).
  • Oser l’inconnu. Un sentier muet sur la carte réserve souvent de belles surprises.

Chemins confidentiels dans les Hautes-Vosges

Voici une sélection de randonnées, éprouvées et choisies pour leur solitude et la pureté de leurs paysages. Toutes sont accessibles en une journée, offrent un dénivelé modéré à soutenu (400 à 900 m), et sont balisées (Club Vosgien), bien que certains tronçons réclament de l’attention.

1. Le cirque du Lac des Perches par la forêt d’Altenbach et la crête du Rossberg

  • Départ : Altenbach (parking au fond du hameau).
  • Balisage : Disques bleus puis rectangle bleu.
  • Distance : environ 11 km, D+ 700 m.

Peu connu, le cirque du Lac des Perches (Sternsee) recèle d’une atmosphère préservée, ancienne zone de pâturage et de charbonnage. Depuis le petit hameau pittoresque d’Altenbach, on grimpe d’abord sous de grandes hêtraies, avant d’atteindre la crête du Rossberg (1 190 m), agréable belvédère sur la vallée de Thann. En résistant à l’appel du sommet classique du Grand Ballon, on s’offre ici des panoramas méconnus, avant de replonger dans le cirque glaciaire, loin de l’agitation du Markstein ou du Ballon d’Alsace. On compte rarement plus de 10 à 20 personnes croisées au fil d’une journée d’été, selon les données, bien moindres que sur les crêtes voisines (source : www.hautes-vosges.net).

2. Les gorges sauvages de la Wormsa et la réserve du Tanet-Gazon du Faing

  • Départ : Mittlach (parking église ou Ferme-Auberge du Schiessroth)
  • Balisage : Anneau jaune, puis croix rouge et rectangle bleu.
  • Distance : environ 14 km, D+ 850 m.

Cachées dans une vallée perpendiculaire à la grande crête, les gorges de la Wormsa sont le domaine des torrents et du granit. Ici, l’ambiance est celle des sous-bois embués, loin des forêts domaniales tracées à angle droit. Le sentier remonte la gorge, longe d’anciennes fermes, puis s’élève sur le plateau du Gazon du Faing — l’une des réserves naturelles les plus riches du massif (tourbières, linaigrets, airelles). Rares sont les promeneurs à oser l’aller-retour, la plupart préférant le tour du lac de Schiessrothried. À partir du Gazon du Faing, la vue sur le cirque du lac Blanc rivalise avec celle des sentiers surfréquentés, sans la cohue.

3. La crête oubliée du Rothenbachkopf par le Col du Hahnenbrunnen

  • Départ : Station du Breitfirst (accès par la vallée de la Thur ou d’Oderen).
  • Balisage : Triangle bleu puis rectangle rouge-blanc-rouge.
  • Distance : 13 km, D+ 600 m.

Le Rothenbachkopf (1 315 m) est l’un des points culminants du massif, mais il attire bien moins que ses cousins Hohneck et Grand Ballon. Au départ du col du Hahnenbrunnen, le chemin serpente entre landes à myrtilles, anciennes carrières et restes de tranchées de la Première Guerre mondiale. La faune y est discrète (chamois à l’aube), les vues embrassent tour à tour la plaine d’Alsace et la vallée de la Moselotte. On peut pousser jusqu’au Batteriekopf pour allonger la marche, encore plus secrète. Sur ce segment, la fréquentation est souvent dix à vingt fois moindre qu’entre le Hohneck et la Schlucht selon les statistiques issues du Club Vosgien (source : Club Vosgien).

4. Traversée sauvage entre Ventron et la réserve du Grand Ventron

  • Départ : Ventron (parking de la chapelle).
  • Balisage : Triangle jaune, croix verte, rectangle bleu.
  • Distance : 15 km, D+ 800 m.

Le massif du Grand Ventron, classé réserve naturelle depuis 1989, conserve le témoignage des ultimes hêtraies et forêts primaires du massif. Ici, les sentiers serpentent sous les sommets boisés et se faufilent à l’écart des zones d’élevage. L’ascension jusqu’au sommet (1 204 m) se fait dans une odeur de résine, avec pour compagnons martinets noirs et – parfois – le célèbre grand tétras. Loin des circuits balisés pour le tourisme de masse, Ventron et ses entours offrent une immersion totale : on parcourt des kilomètres sur moquette de bruyères sans croiser âme qui vive. Les chiffres de fréquentation de la réserve témoignent d’une solitude rare, moins de 5% de la fréquentation totale du massif (source : Réserves Naturelles de France).

5. Les Hauts de Saulxures-sur-Moselotte et le piémont pastoral

  • Départ : Saulxures-sur-Moselotte (parking mairie).
  • Balisage : Chemin de Croix puis rectangle rouge-blanc-rouge.
  • Distance : 10 km, D+ 550 m.

Entre bocages, hameaux et forêts, voici un versant oublié du pays vosgien. Les hauteurs de Saulxures dessinent une mosaïque de villages suspendus, de jardins clos de murs de grès, de prés constellés de jonquilles au printemps. Loin de la verticalité des grandes crêtes, on y goûte une Lorraine paysanne, tenace, où la toponymie (le Thillot, la Combeauté, Menaurupt) témoigne d’un passé d’émigration et de résistance. Sur ces pentes, la tranquillité est la règle, même le dimanche.

Aller plus loin : promenades discrètes et conseils pratiques

Autres idées de balades peu fréquentées

  • La haute vallée de la Moselotte (départ Cornimont, tour du Drumont)
  • Le circuit du Pierrier du Raingottier (depuis Sewen)
  • La forêt de Saint-Amarin et les anciennes mines
  • Le chemin des Rieurs, petit sentier des crêtes entre Gérardmer et Rochesson

Respecter les lieux et les habitants

  • Utilisez les cartes IGN 1/25 000 (TOP25 Vosges).
  • Respectez la faune, surtout dans les réserves (tenue du chien en laisse obligatoire).
  • N’entrez pas dans les propriétés privées ni les prairies clôturées (hors GR ou PR balisés).
  • Privilégiez les petits commerces et chambres d’hôtes pour contribuer à la vie locale.
  • Emportez vos déchets, y compris organiques, les Vosges ne sont pas un « open bar à pique-nique ».
  • En été, attention au risque d’incendie (interdiction de feu dans certains secteurs).

À la découverte d’une montagne habitée

Révéler la beauté retirée des Hautes-Vosges, ce n’est pas s’enfermer dans le mythe d’une nature désertée, mais accepter d’arpenter une montagne habitée, pétrie de légendes, de mémoires ouvrières et d’hospitalité rugueuse. En sortant des axes, on croise parfois un berger, un habitant occupé à fendre son bois, un chasseur ou un enfant à vélo. Ce sont ces rencontres, fragiles et discrètes, qui font la richesse du pays vosgien.

S’aventurer à l’écart, c’est redécouvrir le silence et la lenteur. C’est donner du temps à la lumière, aux odeurs de résine et d’humus, à l’écoute de l’eau battant les schistes et de la buse planant sur la crête. Les Hautes-Vosges offrent à celles et ceux qui les traversent avec respect la récompense rare d’un espace retrouvé. L’invitation est lancée : oser la solitude, la contemplation, et la curiosité, loin des sentiers battus mais si près du cœur lorrain.

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